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Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/557

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Nyssia fit quelque pas vers l’escabeau d’ivoire et commença à détacher les aiguilles terminées par des boules très creuses qui retenaient son voile sur le sommet de sa tête, et Gygès, du fond de l’angle plein d’ombre où il était tapi, put examiner à son aise cette physionomie fière et charmante qu’il n’avait fait qu’entrevoir ; ce col arrondi, délicat et puissant à la fois, sur lequel Aphrodite avait tracé de l’ongle de son petit doigt les trois légères raies que l’on appelle encore aujourd’hui le collier de Vénus ; cette nuque où se tordaient dans l’albâtre de petites boucles folles et rebelles ; ces épaules argentées qui sortaient à demi de l’échancrure de la chlamyde comme le disque de la lune émergeant d’un nuage opaque. ― Candaule, à demi soulevé sur ses coussins, regardait sa femme avec une affectation distraite et se disait à part lui : « Maintenant Gygès, qui a un air si froid, si difficile et si dédaigneux, doit être à moitié convaincu ».

Ouvrant un coffret placé sur une table dont le pied était formé par des griffes de lion, la reine délivra du poids des bracelets et des chaînes de pierreries, dont ils étaient surchargés, ses beaux bras, qui auraient pu le disputer pour la forme et la blancheur à ceux d’Héré, la sœur et la femme de Zeus, roi de l’Olympe. Quelque précieux que fussent ses joyaux, ils ne valaient assurément pas la place qu’ils couvraient, et, si Nyssia eût été coquette, on eût pu croire qu’elle