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Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/577

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sur lui par Statira, et toute retraite lui était coupée ; il s’avança donc dans la chambre assombrie par d’épaisses draperies de pourpre, et se trouva face à face avec Nyssia. Il crut voir une statue qui venait au-devant de lui, tant elle était pâle. Les couleurs de la vie avaient abandonné son visage, une faible teinte rose animait seulement ses lèvres ; sur ses tempes attendries quelques imperceptibles veines entre-croisaient leur réseau d’azur ; les larmes avaient meurtri ses paupières et tracé des sillons luisants sur le duvet de ses joues ; les teintes de chrysoprase de ses prunelles avaient perdu de leur intensité. Elle était ainsi plus belle et plus touchante. ― La douleur avait donné de l’âme à sa beauté marmoréenne.

Sa robe en désordre, à peine rattachée à son épaule, laissait voir ses bras nus, sa poitrine et le commencement de sa gorge d’une blancheur morte. Comme un guerrier vaincu dans un premier combat, sa pudeur avait mis bas les armes. À quoi lui eussent servi les draperies qui dérobent les formes, les tuniques aux plis précieusement fermés ? Gygès ne la connaissait-il pas ? Pourquoi défendre ce qui est perdu d’avance ?

Elle alla droit à Gygès, et, fixant sur lui un regard impérial plein de clarté et de commandement, elle lui dit d’une voix brève et saccadée :

« Ne mens pas, ne cherche pas de vains subterfuges, aie du moins la dignité et le courage