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Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/585

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qui lui tendait le poignard et le guidait au meurtre, car c’était Nyssia elle-même qui était venue chercher Gygès pour le placer dans le lieu de l’embuscade.

Pas une parole ne fut échangée entre le couple sinistre dans le trajet de la prison à la chambre nuptiale.

La reine dénoua les courroies, souleva la barre de la porte, et plaça Gygès derrière le battant, comme Candaule l’avait fait la veille. Cette répétition des mêmes actes, dans une intention si différente, prenait un caractère lugubre et fatal. La vengeance, cette fois, posait son pied sur chaque trace de l’insulte ; le châtiment et le crime passaient par le même chemin. Hier c’était le tour de Candaule, aujourd’hui c’était celui de Nyssia, et Gygès, complice de l’injure, l’était aussi de la peine. Il avait servi au roi pour déshonorer la reine, il servait à la reine pour tuer le roi, également exposé par les vices de l’un et par les vertus de l’autre.

La fille de Mégabaze paraissait éprouver une joie sauvage, un plaisir féroce à n’employer que les moyens choisis par le roi lydien, et à faire tourner au profit du meurtre les précautions prises pour la fantaisie voluptueuse.

« Tu vas me voir encore ce soir ôter ces vêtements qui déplaisent si fort à Candaule. Ce spectacle doit te lasser, dit la reine avec un accent d’ironie amère, sur le seuil de la chambre ;