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Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/97

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me prendre de querelle avec Bepp, que j’ai eu la maladresse de tuer, de sorte que je n’ai plus personne de ma force pour jouer aux échecs avec moi. Vous êtes cause aussi que j’ai crevé ma jument anglaise au steeple-chase de Bièvre ; car j’avais cru vous voir dans une calèche de l’autre côté d’un mur que j’ai fait franchir à la pauvre mistress Bell, qui s’est ouvert le ventre sur un tesson de bouteille. Alfred, qui décidément a quitté la Cinthia pour se mettre au rang de vos adorateurs, est tellement abruti de votre disparition qu’il s’est montré aux Tuileries avec des gants sales et la même canne qu’il avait la veille. Voilà le récit succinct, mais touchant, des innombrables calamités produites par votre retraite. ― Vous êtes trop belle, chère petite, pour vous cloîtrer de la sorte. ― La beauté, comme le soleil, doit luire pour tout le monde ; il y a si peu de belles femmes, que le gouvernement devrait forcer toute personne atteinte et convaincue de beauté notoire à se montrer au moins trois fois par semaine sur son balcon pour que le peuple ne perde pas tout à fait le sentiment de la forme et de l’élégance ; voilà qui vaudrait beaucoup mieux que de répandre des Bibles stéréotypées dans les chaumières et de fonder des écoles selon la méthode lancastrienne ; mais je ne sais à quoi pense le pouvoir. ― Sais-tu bien, petite reine, que, depuis que tu n’es plus là pour nous cribler des flèches barbelées de tes plaisanteries,