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Page:Gautier - Constantinople, Fasquelle, 1899.djvu/195

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DÎNER TURC.

déserte, formée par les murailles crépies de rose de grands jardins, en haut de laquelle était perchée la maison de l’ex-pacha du Kurdistan.

Une porte qui se refermait nous laissa voir un élégant coupé rentrant dans sa remise. C’était la femme du pacha revenant de la promenade, car, contrairement à l’idée qu’on en a, les dames turques, loin de rester claquemurées dans les harems, sortent quand elles veulent, à la condition de rester voilées, et leurs maris ne les accompagnent jamais.

Une porte basse, précédée d’un perron de trois marches, nous fut ouverte par un domestique habillé à l’européenne, sauf la calotte rouge de rigueur, et, après avoir quitté nos chaussures pour des babouches que nous avions pris soin d’apporter avec nous, l’on nous fit monter au premier étage, où se trouvait le selamlick (appartement des hommes), toujours séparés de l’odalik (appartement des femmes) dans la distribution des maisons turques, riches ou pauvres, grandes ou petites.

Nous trouvâmes l’ex-pacha dans une pièce fort simple, au plafond de bois peint en gris et relevé de filets bleus, n’ayant pour tous meubles que deux armoires parallèles, une natte en paille de Manille et un divan recouvert de perse, à l’extrémité duquel se tenait le maître du logis, faisant rouler sous ses doigs les grains d’un chapelet en bois de sandal.

Le coin du divan est la place d’honneur que le maître de la maison ne quitte jamais, à moins qu’il ne soit visité par une personne d’un rang supérieur au sien.

Que cette simplicité ne surprenne pas. Le selamlick est, en quelque sorte, un appartement extérieur, une sorte de parloir, une antichambre que les étrangers ne dépassent pas et qui est réservé à la vie publique. Tout le luxe est réservé pour le harem. C’est là que se déploient les tapis d’Ispahan