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CONSTANTINOPLE.

sphère brûlante de la troisième salle, poussée jusqu’à trente-cinq ou quarante degrés.

Les étuves diffèrent de nos bains de vapeur : un feu continuel brûle sous leurs dalles de marbre, et l’eau qu’on y répand s’y volatilise en fumée blanche, mais n’y vient pas d’une chaudière par jets stridents. — Ce sont en quelque sorte des bains à sec, et l’extrême chaleur détermine seule la transpiration.

Sous une coupole éclairée par de grosses lentilles de verre verdâtre ne laissant filtrer qu’un jour vague, sept ou huit dalles en forme de tombeau sont disposées pour recevoir les corps des baigneurs, qui, étendus comme des cadavres sur une table de dissection, subissent la première préparation du bain turc : on leur pince légèrement l’insertion des muscles, on les malaxe comme une pâte molle jusqu’à ce qu’ils se couvrent d’une sueur perlée pareille à celle qui se forme autour du seau d’une bouteille de vin de Champagne trempée dans la glace, résultat qui ne se fait pas attendre.

Lorsque vos pores ouverts laissent ruisseler l’eau sur vos membres assouplis, on vous relève, on vous fait chausser de nouveau les patins pour épargner à la plante de vos pieds le contact torride du pavé, et l’on vous conduit à l’une des niches creusées autour de la rotonde.

Une fontaine de marbre blanc avec sa vasque où se dégorge à volonté un robinet d’eau chaude et d’eau froide occupe le fond de ces niches. Votre tellack vous fait asseoir près du bassin, arme sa main d’un gantelet en poil de chameau et vous étrille les bras d’abord, les jambes ensuite, puis le torse, de façon à vous amener le sang à la peau, sans vous écorcher cependant et sans vous faire le moindre mal, malgré l’apparente rudesse qu’il met à cet exercice.

Ensuite il puise dans le bassin, avec une sébile de cuivre jaune, plusieurs écuellées d’eau tiède, qu’il vous répand