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Page:Gautier - Constantinople, Fasquelle, 1899.djvu/254

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CONSTANTINOPLE.

En attendant que le cortége revienne, décrivons l’endroit où se passe le baise-pied. C’est un grand kiosque dont le toit, soutenu par des colonnes, se projette en auvent tout autour de la construction. Ces colonnes, dont les bases et les chapiteaux sont sculptés dans le goût d’ornementation de l’Alhambra, soutiennent des arcades et des poutrelles qui arc-boutent le rebord du toit, dont le dessous est curieusement travaillé de losanges, de compartiments et d’entrelacs ; la porte, flanquée de deux niches, s’ouvre dans une masse de découpures, de rinceaux, de fleurons et d’arabesques, parmi lesquels se contournent quelques chicorées et quelques ornements rocaille, sans doute ajoutés après coup, comme cela arrive souvent dans les palais turcs. Sur le mur, de chaque côté de la porte, sont peintes deux perspectives chinoises comme on en voit dans les comédies d’enfants, représentant des galeries dont le pavé quadrillé de blanc et de noir se prolonge à l’infini. Ces fresques bizarres doivent être l’ouvrage de quelque vitrier génois fait captif par les corsaires barbaresques, et elles produisent un singulier effet sur ce bijou d’architecture musulmane.

Le sultan, suivi de quelques hauts dignitaires, pénétra dans le kiosque, où il prit une légère collation ; cet intervalle fut employé aux derniers préparatifs de la réception. On étendit à terre, devant le kiosque, entre les deux colonnes de l’arcade correspondant à la porte, un tapis de cachemire noir sur lequel on posa un trône, ou plutôt un divan en forme de canapé, tout couvert de plaques d’or ou de vermeil d’un travail byzantin. Un escabeau d’un goût semblable fut placé au pied du trône, et la musique se rangea en demi-cercle, la figure tournée vers le kiosque.

Lorsque Abdul-Medjid reparut, la musique éclata en fanfares ; les troupes poussèrent le cri consacré : « Vive, vive à jamais le glorieux sultan ! » Un frémissement d’enthousiasme