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Page:Gautier - Constantinople, Fasquelle, 1899.djvu/310

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CONSTANTINOPLE.

voisine est déjà perdu dans ces informes ébauches. D’autres bas-reliefs à demi cachés par l’exhaussement du terrain, mais que l’on connaît par les descriptions des écrivains antérieurs, reproduisent les manœuvres employées pour l’érection de l’obélisque. — Singulier rapprochement ! Des bas-reliefs de même nature entaillent le socle de l’obélisque de Louqsor dressé sur la place de la Concorde par l’ingénieur Lebas ; — des inscriptions en grec et en latin marquent que l’obélisque gisant sur le sol fut relevé en trente-deux jours par Proclus, préfet du prétoire, d’après les ordres de Théodose, et célèbrent les vertus de ce magnanime empereur. Le bloc égyptien et le socle du Bas-Empire s’harmonisent heureusement et produisent un bel effet ; seulement, l’obélisque est aussi frais d’arête que s’il venait d’être taillé dans le granit, et le socle, plus jeune de quinze cents ans, est tout dégradé.

Non loin de l’obélisque se tortille la colonne Serpentine faite de trois serpents enroulés et nattés, montant en spirale comme les cannelures d’une colonne salomonique. Les trois têtes crêtées d’argent des serpents qui formaient chapiteau ont disparu. — Une tradition veut que Mahomet II, passant à cheval sur l’Hippodrome, les ait abattues d’un coup de masse d’armes ou de damas, par une de ces prouesses de vigueur familières aux sultans ; selon d’autres, il n’a tranché qu’une seule des trois têtes, la seconde et la troisième auraient été brisées seulement pour la valeur du bronze, ce qui n’étonne pas quand on songe aux peines que les Barbares se sont données pour aller chercher des crampons de fer dans les blocs du Colysée. — Détruire un palais pour prendre un clou, c’est le propre du sauvage.

Cette colonne, élevée de neuf pieds environ hors de la terre, mais dont la base est enfouie, semble un peu grêle d’aspect au milieu de ce vaste espace. On lui attribue une noble origine. D’après les antiquaires, ces serpents entrelacés