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Page:Gautier - Constantinople, Fasquelle, 1899.djvu/32

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CONSTANTINOPLE.

l’église de Saint-Jean, et la faute, si faute il y a, est tout entière au soleil. Tout ce que je puis dire, c’est qu’elles m’ont paru très-piquantes ainsi fagotées et mettant le nez à la fenêtre par l’ouverture de cette jupe.

En courant au hasard, je rencontre des coins de rue charmants et qui feraient le bonheur d’un aquarelliste. Les balcons enveloppent l’angle et forment plusieurs étages de tourelles ou de galeries, suivant leur dimension. Une madone ou un saint de grandeur naturelle, la tête sous un baldaquin de pierre, les pieds sur un énorme socle en gaîne à volutes tirebouchonnées, se présentent inopinément à l’adoration des personnes pieuses et au crayon des faiseurs de croquis ; de grandes lanternes, soutenues par des potences de serrurerie compliquée, éclairent ces dévotes images et fournissent de jolis motifs de dessin. Je ne m’attendais pas à trouver des carrefours si catholiques dans la Malte anglaise. Au bas de la plupart de ces statues sont écrites, sur des cartouches contournés, des inscriptions du genre de celle-ci : « Mgr Fernando Mattei, évêque de Malte, ou Son Excellence révérendissime don F. Saverio, accorde quarante jours d’indulgence à tous ceux qui diront un Pater, un Ave et un Gloria devant les images de la très-sainte Vierge ou de saint François Borgia, posées là par leurs soins. » Puisque j’ai parlé de sculpture sacrée, je placerai ici un détail assez bizarre que j’ai remarqué sur le portail d’une église.

Ce sont des têtes de mort cravatées d’ailes de papillon. Cet hiéroglyphe, funèbrement pompadour, de la brièveté de la vie m’a paru associer d’une façon neuve les emblèmes du boudoir aux ornements de la tombe. On ne saurait être plus galamment sépulcral, et l’idée a dû être caressée par un joli petit abbé de cour. Si le sens de ce rébus funèbre a été clair pour moi, il n’en a pas été de même d’un petit bas-relief que j’ai vu au-dessus de la porte de plusieurs maisons,