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Page:Gautier - Constantinople, Fasquelle, 1899.djvu/64

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CONSTANTINOPLE.

transactions se concluent sur l’étal. Rien de moins luxueux, comme vous voyez, que ces boutiques formées d’un trou carré pratiqué dans une muraille, mais elles n’en contiennent pas moins des étoffes précieuses, de belles armes, des selles magnifiques et des chefs-d’œuvre de broderie d’or et d’argent.

De même qu’à Constantine, où ce détail m’avait frappé jadis, les rues du Bezestin sont ombragées de planches posées à plat sur des poutrelles transversales, mais avec quelque espace entre elles, autrement on n’y verrait plus. Ces interstices laissent filtrer le soleil qui zèbre le sol de barres éclatantes et produit les effets de clair-obscur les plus bizarres et les plus inattendus : un homme qui passe sous un de ces rayons reçoit une touche de lumière sur le nez comme un portrait de Rembrandt ; le feredgé d’une femme s’allume comme une flamme rose, un narghilé frappé d’une paillette reluit comme un monceau d’escarboucles, et les richesses de la caverne d’Ali-Baba semblent flamboyer au fond d’une boutique de confiseur. Il est bizarre qu’on n’ait pas couvert ces rues avec des berceaux de vigne ou de plantes grimpantes ; probablement le soleil trop vif les grillerait, mais des tendidos et des bannes de toile, comme en Espagne, remplaceraient avantageusement, ce me semble, ce plancher aérien.

Non loin du Bezestin s’élève une mosquée composée, comme elles le sont presque toutes, d’une agglomération de petites coupoles flanquées de minarets que je ne saurais mieux comparer qu’à des mâts de vaisseaux avec leurs huniers représentés par les balcons, du haut desquels le muezzin invite les fidèles à la prière. Près de cette mosquée, il y a une fontaine pour les ablutions, formée par une rotonde de colonnes à chapiteaux d’un corinthien barbare, grossièrement peintes en bleu et reliées par une grille d’un très-