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FUSAINS ET EAUX-FORTES.

bien qu’ils n’aient ni ailes, ni tuniques : il n’y a aucune preuve ni pour ni contre, et l’on n’a pas de données bien certaines sur le costume des esprits célestes ; cependant je voudrais qu’ils eussent un caractère différent des diables, et sauf la queue de rigueur, ils y ressemblent beaucoup. Cette turbulence et cette furie de mouvement contrastent trop ouvertement avec l’idée placide et sereine que nous avons des anges et des archanges.

Le Jugement dernier de Michel-Ange pourrait s’appeler, comme la tragédie deWerner, la Consécration de la force ; les plus gros jettent en bas les plus petits. Maintenant que nous avons dit ce qu’il n’y avait pas dans le Jugement dernier nous allons dire ce qu’il y a. Ceux qui s’imaginent trouver dans cette peinture une scène effrayante et fantastique, avec des flammes, des tonnerres et des incendies, des ombres de fantasmagorie, des gloires, des auréoles, le sujet tel que nous le concevrions aujourd’hui, se trompent complètement. Michel-Ange dédaignait tout cela comme des puérilités et de petits moyens indignes de l’art. Ce que Michel-Ange a voulu, dans son Jugement dernier c’est faire éclater sa puissance, montrer son admirable science d’anatomiste, sa hardiesse de dessinateur, le caractère grandiose et surhumain de son style, et poser des bornes à tout jamais infranchissables en fait de témérités d’attitudes, de raccourcis et de musculatures. Dieu lui-