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Page:Gautier - Fusains et eaux-fortes.djvu/153

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FUSAINS ET EAUX-FORTES.

quille quand ils avaient barbouillé une toile d’une trentaine de pieds que l’on était obligé de déclouer et de rouler comme un tapis pour la loger dans quelque grenier poussiéreux.

Si vous leur aviez demandé une aquarelle, ils vous auraient jeté à la porte par les épaules, sous prétexte qu’ils ne peignaient qu’en grand et à l’huile. Les plus chatouilleux vous auraient appelé en police correctionnelle comme leur ayant fait une grossière insulte. Comme si un dessin de Camille Roquepelan et une pochade de Decamps ne valaient pas tous les Achilles luttant contre le fleuve Scamandre, tous les Diomèdes et tous les Ajax de ces messieurs de l’Histoire, qui ne peignent jamais que des sujets tirés de la Fable.

Ce dédain superbe commence à tomber en désuétude. On a compris que la seule chose qui dégradât un artiste, c’est de faire mauvais. Les peintres et les statuaires sentent fort bien qu’il est plus honorable de sculpter une jolie tête de canne, une belle coupe, un serre-papier, ou tout autre objet servant à quelque chose ; de peindre un portrait bien campé, bien ajusté d’un beau style et d’une bonne pâte, que de tailler de grandes statues insignifiantes qui embarrassent les ponts et les places publiques, et de peindre d’énormes toiles qu’aucun appartement moderne ne peut plus contenir.

C’est ce préjugé des artistes de l’Empire et du