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Page:Gautier - Fusains et eaux-fortes.djvu/216

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UTILITÉ DE LA POÉSIE.

il ne faut pas se le dissimuler, grâce au cabinet de lecture, l’hôtet de Rambouillet est passé à l’office. Les cuisinières forment la plus grande partie de la clientèle des cabinets de lecture ; les portières forment l’autre, mais elles sont en général d’un goût moins dédaigneux et n’ont pas, à beaucoup près, autant d’influence. Si les vers ne se vendent pas, c’est que la cuisinière, semblable par ce côté au critique, ne peut pas souffrir les vers, parce que cela est trop frivole et n’a pas de suite. Quant à moi, je suis là-dessus de l’avis d’un jeune poète qui a fait de la charmante prose :

C’est peut-être un blasphème, et je le dis tout bas :
J’aime surtout les vers, cette langue immortelle ;
Mais je l’aime à la rage ; elle a cela pour elle
Que les sots d’aucun temps n’en ont pu faire cas,
Qu’elle nous vient de Dieu, qu’elle est limpide et belle,
Que te monde l’entend et ne la parle pas.[1]


Que les vers se vendent ou ne se vendent pas, que le temps soit à la poésie ou non, toujours est-il que le nombre des poètes va toujours en s’augmentant.

  1. Namouna, par Alfred de Musset, paru en 1832 dans Un
    spectacle dans un fauteuil (daté 1833).