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VOYAGES LITTERAIRES

ensuite, pour arriver à la nôtre, des périodes si ternes que la couleur échappe. Remarquons seulement en passant que, pendant que nous nous laissons aller à des routines si désastreuses, l’Allemagne, libre dans ses allures, nourrit des élans divergents qui la couvrent à la fois de productions magnifiques et originales. À prendre notre littérature, en 1832, nous pouvons encore laisser à part l’école intime, l’école passionnée d’Antony, l’école cadavre, pour nous arrêter à la fièvre du moyen âge, qui a engendré la couleur locale, qui a engendré les voyages dont il s’agit ici.

Quoiqu’il ne soit pas nécessaire de connaître les lieux pour en parler, comme disait Figaro et comme l’ont prouvé beaucoup de voyageurs, les plus consciencieux d’entre les auteurs qui n’avaient jamais quitté la rue Tirechappe ou le quai Malaquais ont jugé convenable de s’assurer enfin si les pays dont ils parlaient si souvent existaient en effet. Des contrées jusqu’alors caressées par les imaginations ont attiré d’illustres pèlerinages. Les classes lettrées ont inondé les routes comme les familles anglaises. Il est entré un ou deux hommes de lettres dans la composition de toute diligence, comme il y entre un commis voyageur, et avec une mission à peu près pareille. À ce besoin d’aller chercher loin des impressions qui impliquent qu’on en manque où l’on est, à ce pitoyable engouement de pittores-