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Page:Gautier - L’Orient, tome 1, Charpentier-Fasquelle, 1893.djvu/14

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L’ORIENT.

deux stances d’Alfred de Musset ; Mérimée vous paraît plein de longueurs ; vous vous apercevez qu’il y a des antithèses dans Victor Hugo et des fautes de dessin dans Eugène Delacroix ; bref, vous êtes indécrottable. Pour dissiper ce spleen particulier, la seule recette est un passe-port pour l’Espagne, l’Italie, l’Afrique ou l’Orient. Voilà pourquoi j’étais à Venise au mois de septembre 18… J’y traitais ma grise mélancolie par de fortes doses d’azur.

La plus singulière ville du monde, à coup sûr, c’est Venise, cet Amsterdam de l’Italie. On l’a décrite mille fois, elle est toujours aussi nouvelle. Qui a vu Vicence peut se faire une idée de Padoue ; Rome ressemble à Florence, Paris à Londres ; Venise ne ressemble qu’à elle-même. Ce n’est ni une ville gothique ni une ville romaine : c’est quelque chose qu’on ne saurait définir. Cette architecture étrange et fantastique n’a rien de commun avec celle que vous connaissez. Ces belvédères sur le sommet des toits, ces cheminées en forme de colonnes et de tours ; ces grands palais de