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Page:Gautier - L’Orient, tome 1, Charpentier-Fasquelle, 1893.djvu/20

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L’ORIENT.

l’aiguille rouge de San-Francisco della Vigna, les tourelles de San-Jona semblent se hausser pour vous atteindre. Plus loin, la Dogana avance sa pointe ; San-Giorgo, toute fière de son église de Palladio, de son dôme et de sa tour, se découpe, riante et verte, dans un archipel de petites îles. Vous voyez les prames, les polacres, les brigantins qui font quarantaine à San-Servolo, ou qui voguent à pleines voiles sur le grand bassin ; les canaux intérieurs, dont vous ne pouvez apercevoir l’eau, coupent de sillons profonds les masses d’architecture groupées au pied du Campanile. Du reste, ce tableau est muet ; cette rumeur sourde, ce vagissement d’une grande ville, qu’on entend des tours de Notre-Dame ou du dôme de Saint-Paul, ne frappent pas votre oreille : aucun bruit ne se fait entendre ; Venise, en plein jour, est plus silencieuse que les autres capitales dans la nuit. Cela tient à l’absence des chevaux et des voitures. Un cheval est un phénomène à Venise. Aussi, Byron et ses chevaux, qu’il domptait au Lido, étaient-ils pour les