Aller au contenu

Page:Gautier - La Chanson de Roland - 1.djvu/131

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
cxxix
HISTOIRE D’UN POËME NATIONAL

pages, il a résumé toute la seconde moitié de notre poëme[1]. C’est un coup d’État fort regrettable[2].

Nous parlions tout à l’heure de cette Bibliothèque bleue qui répand encore dans nos campagnes, à tant de milliers d’exemplaires, nos Romans défigurés, mais encore tout remplis de la gloire de Charlemagne et de Roland. Eh bien ! il existe, il circule en Danemark une œuvre toute semblable, c’est la Keiser Karl-Magnus’s Kronike. Un auteur inconnu (ce n’est point Pedersen, comme on l’a cru longtemps[3]) a eu l’idée, au quinzième siècle, de résumer la Karlamagnus’s Saga, en s’aidant de la traduction de quelques autres poëmes français. Rien n’égale la vogue de ce petit livre, dont une édition nouvelle vient de paraître à Copenhague[4] et qui, jadis imité de l’islandais, a été tout récemment traduit en cette langue. En vérité, il faut aimer ces humbles petits livres qui répandent notre gloire en des pays si éloignés de la France. Quelles ne doivent pas être la joie et la fierté du Français qui, s’arrêtant devant la boutique d’un libraire à Reykiavik, y voit en montre la Kronike om Kaiser Karlmagnus, et qui entend le nom de Roland sur les lèvres d’un paysan islandais[5] !

L’Angleterre aussi a eu son Roland. Un poëte anglais du xiiie siècle a essayé de combiner, avec certains emprunts faits à

  1. La Karlamagnus’s Saga fut traduite en suédois ; mais nous ne possédons de cette translation que les branches viii et ix. Or la huitième est précisément Roncevaux. (V. Rietz, Scriptores Suecici medii œvi, t. iv, Lund, 1842 et années suivantes.)
  2. Pour se donner une idée littéraire de la Karlamagnus’s Saga et de la Keiser Karl-Magnus’s Kronike, v. la note du v. 4002.
  3. V. Pedersens Skrifter, édit. Brandt, 1856. ═ Pedersen n’a fait que réviser un texte antérieur, et nous en possédons un du xve siècle.
  4. Keiser Karl-Magnus’s Kronike, édit. Elberling, Copenhague, 1867, in-18. ═ C’est d’après cette édition que le texte danois a été, par nos soins, traduit pour la première fois en français, et nous offrons plus loin cette traduction à l’attention de notre lecteur. Déjà la Kaiser Karl-Magnus’s Kronike avait été, en 1827, publiée à Copenhague (Dansk og norsk national-vörk, etc.).
  5. Le goût des études sur nos vieilles Chansons est encore très-vivant en Danemark. En 1860, il a paru à Copenhague tout un traité sur la Chanson de Roland que nous avons entre les mains : Rolandskvadet, etc. L’auteur est C. Rosenberg.