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Page:Gautier - La Chanson de Roland - 1.djvu/219

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LA CHANSON DE ROLAND

À CORDRES. — CONSEIL TENU PAR CHARLEMAGNE


VIII


L’Empereur se fait tout joyeux et est de belle humeur.
Il a pris Cordres, il en a mis les murs en pièces,
Avec ses machines il en a abattu les tours ;
Ses chevaliers y ont fait un très-riche butin
D’or, d’argent, de riches armures.
Dans la ville il n’est pas resté un seul païen
Qui ne soit forcé de choisir entre la mort et le baptême…
Le roi Charles est dans un grand verger ;
Avec lui sont Roland et Olivier,
Le duc Samson, le fier Anséis,
Geoffroi d’Anjou, qui porte le gonfanon royal,
Gerin et son compagnon Gerer
Et, avec eux, beaucoup des autres ;
Car il y avait bien là quinze mille chevaliers de la douce France.
Ils sont assis sur des tapis blancs,
Et, pour se divertir, jouent aux damiers :
Les plus sages, les plus vieux jouent aux échecs,
Les bacheliers légers à l’escrime…
Sous un pin, près d’un églantier,
Est un fauteuil d’or massif :
C’est là qu’est assis le roi qui tient douce France.
Sa barbe est blanche et son chef tout fleuri ;
Son corps est beau, et fière est sa contenance.
À celui qui le veut voir il n’est pas besoin de le montrer.
Les messagers païens descendent de leurs mules,
Et saluent Charles en tout bien, tout amour.