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Page:Gautier - La Chanson de Roland - 1.djvu/28

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INTRODUCTION

femme est pure. Voilà ce que notre Épopée doit à l’Église[1]. Après ses origines humaines et aryennes, voilà ses origines catholiques.

Descendons encore, descendons toujours du général au particulier. Entre les peuples catholiques de l’Occident, il en est un qui a eu sur notre Épopée une action vingt fois évidente : ce sont les Germains. On a nié cette influence que nous avons toujours défendue. Nous maintenons ici toute notre pensée, mais en demandant la permission de l’expliquer.

Les partisans de l’influence germaine se divisent en deux groupes bien distincts : les uns veulent que la lettre même et les traditions positives de notre Épopée soient d’origine germanique ; les autres (et nous sommes de ceux-là) n’attribuent cette origine qu’à l’esprit de nos vieux poëmes, à leurs idées générales, à leurs conceptions militaires et politiques, à leur droit, et surtout aux habitudes poétiques de ceux qui les chantaient. Tel est le sentiment de plusieurs érudits tant allemands que français. Encore en est-il quelques-uns parmi eux qui sont tout disposés à admettre que ces idées germaines se sont plus ou moins modifiées sous l’influence de l’Église et de la nationalité romane. Pour tout dire, enfin, nous adopterions volontiers cette définition de M. Gaston Paris : « L’Épopée française, c’est l’esprit germanique dans une forme romane[2] ». Toutefois, si

  1. Notre Épopée, suivant M. d’Avril, « est d’inspiration romaine et pontificale. » Elle se rattache directement à la Papauté. Nos Chansons de geste sont la traduction en chants populaires de la célèbre mosaïque de Latran dans laquelle saint Pierre donne l’étole à Léon III et l’étendard à Charlemagne. (t. I, p. xli.) — La première place dans tous nos poëmes appartient en effet à l’Apostole, au Pape. Roland est représenté par l’auteur de l’Entrée en Espagne comme le général en chef des troupes de l’Église romaine et, dans la Prise de Pampelune, il est appelé le Romain champion (v. 5,743).
  2. Voici le passage tout entier de M. G. Paris, (Revue critique, 13 juin 1868) : « Puisque j’ai abordé ce sujet, je crois devoir dire que des études plus approfondies m’ont amené à modifier sensiblement mon opinion en ce qui touche le caractère germanique de notre poésie épique au moyen âge. Je me rapprocherais actuellement des idées qu’a émises à ce propos M. Léon Gautier, et surtout de l’opinion que M. Bartsch a exprimée ici même (Rev. crit., 1866, t. II, p. 407). La question est délicate et compliquée : la trancher en quelques