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Page:Gautier - La Chanson de Roland - 1.djvu/289

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LA CHANSON DE ROLAND


LXXIX


Les païens se revêtent de hauberts à la sarrasine,
Qui, pour la plupart, sont de triple épaisseur.
Sur leurs têtes ils lacent les bons heaumes de Saragosse,
Et ceignent les épées d’acier viennois.
Leurs écus sont beaux à voir, leurs lances sont de Valence ;
Leurs gonfanons sont bleus, blancs et rouges.
Ils laissent là leurs mulets et leurs bêtes de somme ;
Montent sur leurs chevaux de bataille, et s’avancent en rangs serrés.....
Le jour fut clair, et beau fut le soleil :
Pas d’armure qui ne flamboie et resplendisse.
Mille clairons sonnent, pour que ce soit plus beau.
Grand est le tumulte, et nos Français l’entendent :
« Sire compagnon, dit Olivier, je crois
« Que nous pourrons bien avoir bataille avec les Sarrasins. »
Et Roland : « Que Dieu nous l’accorde, répond-il.
« Notre devoir est de tenir ici pour notre Roi ;
« Car pour son seigneur on doit souffrir grande détresse.
« Il faut endurer pour lui grande chaleur et grand froid,
« Et perdre enfin de son poil et de son cuir.
« Frapper de grands coups, voilà ce que chacun doit,
« Afin qu’on ne chante pas sur nous de mauvaise chanson.
« Les païens ont le tort, le droit est pour les chrétiens.
« Ce n’est pas moi qui vous donnerai jamais le mauvais exemple ! »