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Page:Gautier - La Chanson de Roland - 1.djvu/353

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LA CHANSON DE ROLAND


CXXXIII


L’Archevêque entend leur dispute,
Et pique son cheval de ses éperons d’or pur ;
Il vient vers eux, et se prend à les gourmander :
« Sire Roland, et vous, sire Olivier,
« Je vous conjure de ne point vous quereller ainsi.
« Votre cor ne nous sauverait pas ;
« Mais néanmoins il serait mieux d’en sonner.
« Vienne le Roi, il saura nous venger,
« Et les païens ne s’en retourneront pas joyeusement.
« Les Français de Charlemagne descendront alors de leurs chevaux,
« Ils nous trouveront morts et coupés en pièces,
« Ils nous mettront en bières à dos de cheval,
« De deuil et de pitié ils seront tout en larmes ;
« Puis ils nous enterreront dans les parvis des moutiers ;
« Les chiens, les sangliers et les loups ne nous mangeront pas.
« — Vous dites bien, » répond Roland.


CXXXIV


Roland a mis l’olifant à ses lèvres ;
Il l’embouche bien et le sonne d’une puissante haleine ;
Les puys sont hauts, et le son va bien loin.
On en entendit l’écho à trente lieues.
Charles et toute l’armée l’ont entendu,
Et le Roi dit : « Nos hommes ont bataille. »
Mais Ganelon lui répondit :
« Si c’était un autre qui le dît, on le traiterait de menteur. »