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Page:Gautier - La Chanson de Roland - 1.djvu/373

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LA CHANSON DE ROLAND

Les pieds, les poings, les épaules et les flancs des cavaliers.
Qui l’eût vu démembrer ainsi les Sarrasins,
Jeter par terre un mort sur l’autre,
Celui-là eût eu l’idée d’un brave.
Mais Olivier ne veut pas oublier la devise de Charles :
« Montjoie ! Montjoie ! » crie-t-il d’une voix haute et claire.
Il appelle Roland, son ami, son pair :
« Compagnon, venez vous joindre à moi.
« Quelle douleur ce serait de n’être pas ensemble ! »


CXLIX


Roland regarde Olivier au visage...
Il est pâle, il est livide, il est décoloré,
Son beau sang clair lui coule parmi le corps,
Les ruisseaux en tombent par terre :
« Dieu ! dit Roland, que puis-je faire ?
« Votre courage, ami, fut bien malheureux aujourd’hui ;
« Mais on ne verra jamais homme de votre valeur.
« Ô douce France ! tu vas donc être veuve
« De tes meilleurs soldats ; tu seras confondue, tu tomberas.
« L’Empereur en aura grand dommage. »
À ce mot, Roland, sur son cheval, se pâme.


CL


Voyez-vous Roland, là, pâmé sur son cheval,
Et Olivier, qui est blessé à mort ?
Il a tant saigné que sa vue en est trouble ;
Ni de près, ni de loin, ne voit plus assez clair
Pour reconnaître homme qui vive.
Le voilà qui rencontre son compagnon Roland ;
Sur le heaume doré il frappe un coup terrible,