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Page:Gautier - La Chanson de Roland - 1.djvu/459

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LA CHANSON DE ROLAND


CCXII


« Ami Roland, que Dieu te prenne en pitié,
« Et que ton âme ait place au Paradis !
« Celui qui t’a tué a ruiné la France :
« J’ai si grand deuil que plus ne voudrais vivre.
« Ma maison, toute ma maison est morte à cause de moi.
« Fasse Dieu, le fils de sainte Marie,
« Avant que je vienne à l’entrée des défilés de Cizre,
« Que mon âme soit aujourd’hui séparée de mon corps ;
« Qu’elle aille rejoindre leurs âmes,
« Tandis qu’on enfouira ma chair près de leur chair. »
L’Empereur pleure de ses yeux ; il arrache sa barbe :
« Grande est la douleur de Charles, » s’écrie le duc Naimes...


CCXIII


« Sire empereur, a dit Geoffroi d’Anjou,
« Ne vous laissez point aller à tant de douleur.
« Mais ordonnez plutôt qu’on cherche tous les nôtres sur le champ de bataille,
« Oui, tous ceux qui ont été tués par les païens d’Espagne,
« Et que dans un charnier on les transporte.
« — Sonnez donc de votre cor, » répond le Roi.


CCXIV


Geoffroi d’Anjou a sonné de son cor,
Et, sur l’ordre de Charles, les Français descendent de cheval.
Tous leurs amis, qu’ils ont là trouvés morts,
Dans un charnier sont transportés sur l’heure.
Il y avait dans l’armée une foule d’évêques et d’abbés,