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Page:Gautier - La Chanson de Roland - 1.djvu/509

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LA CHANSON DE ROLAND

Frappant de leurs épieux sur leurs écus à rosaces,
Ils les brisent au-dessous de la large boucle
Et se déchirent les pans de leurs hauberts ;
Mais ils ne s’atteignent pas plus avant ;
Ils brisent les sangles de leurs chevaux et renversent leurs selles.
Bref, les deux rois tombent, et les voilà par terre ;
Vite ils se relèvent, et les voici debout.
Ils tirent alors leurs épées d’un geste intrépide.
Ce duel ne peut désormais finir,
Il ne peut s’achever sans mort d’homme.


CCLXIV


Il est vaillant, le roi de douce France ;
Mais l’Émir ne le craint ni ne le redoute.
Tous deux ont à la main leurs épées toutes nues,
Et se donnent de furieux coups sur leurs écus.
Ils en tranchent le cuir et le bois, qui cependant est double ;
Les clous en tombent, les boucles sont en pièces.
Alors ils se frappent nu à nu sur leurs hauberts,
Des heaumes clairs jaillit le feu.
Ce duel ne peut en rester là :
Il faut que l’un ou l’autre reconnaisse son tort.


CCLXV


« Réfléchis bien, Charles, dit l’Émir,
« Et décide-toi à me demander pardon.
« Je sais que tu as tué mon fils ;
« Et fort injustement tu envahis ma terre :
« Deviens mon homme, et je te la donne en fief,
« Si tu veux être mon vassal en Espagne et en Orient.
« — Ce serait trop grand’ honte, s’écrie Charles,