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Page:Gautier - La Chanson de Roland - 1.djvu/535

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LA CHANSON DE ROLAND

« De faire cette fois grâce à Ganelon
« Qui désormais le servira avec foi, avec amour.
« Roland est bien mort, plus ne le reverrez ;
« L’or et l’argent ne pourront pas vous le rendre.
« Quant au duel, ce serait folie. »
Tous les barons disent oui, tous approuvent,
Excepté un seul : Thierry, frère de monseigneur Geoffroi.


CCLXXXII


Vers Charlemagne retournent les barons.
« Sire, lui disent-ils, nous vous prions
« De tenir quitte le comte Ganelon ;
« Il vous servira désormais avec foi, avec amour.
« Laissez-le vivre ; car il est vraiment gentilhomme.
« Roland, d’ailleurs, est mort ; on ne le reverra plus ;
« Et ce n’est point l’argent qui nous le rendra.
« — Vous n’êtes tous que des félons, » s’écrie le Roi.


CCLXXXIII


Quand Charles voit que tous lui font défaut,
Son visage, ses traits deviennent tout sombres,
Et, de la douleur qu’il ressent : « Malheureux que je suis ! » s’écrie-t-il.
Mais voyez-vous devant lui un chevalier : c’est Thierry,
C’est le frère au duc Geoffroi d’Anjou.
Thierry a le corps maigre, grêle, allongé ;
Ses cheveux sont noirs, ses yeux sont bruns ;
Il n’est d’ailleurs ni grand, ni trop petit.
Et il a dit courtoisement à Charles :
« Ne vous désolez pas, beau sire Roi.
« Vous savez que je vous ai déjà bien servi ;
« Or, par mes ancêtres, j’ai droit à siéger parmi les juges de ce procès.