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Page:Gautier - La Chanson de Roland - 2.djvu/275

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NOTES ET VARIANTES

sard a publié sous le titre de Macaire, et M. Mussafia, sous celui de la Reine Sibille... Charles était parvenu à l’extrême vieillesse. Il était faible et partagé entre deux influences. D’un côté l’on voyait dans l’ombre cette indestructible race de Ganelon, ces traîtres de Mayence qui ne songeaient qu’à venger la mort et le déshonneur de leur parent ; de l’autre brillait la belle impératrice Blanchefleur, femme de Charlemagne, fille de l’empereur de Constantinople. Parmi les traîtres, le plus redoutable était Macaire : c’est Macaire qui veut perdre la reine. Il l’accuse d’adultère avec un nain qui est le complice des Mayençais ; Charles a l’étrange faiblesse d’en croire cet infâme, et condamne à mort la pauvre Blanchefleur. On la jette dans un bûcher ; elle va mourir, lorsque l’abbé de Saint-Denis obtient sa grâce. Mais on l’exile, et la voilà forcée de quitter la France. Un bon chevalier l’accompagne : c’est Aubri. Macaire, qui ne veut point lâcher sa proie, attaque à main armée la reine proscrite et son compagnon. Blanchefleur lui échappe, mais Aubri est tué. C’est alors qu’apparaît dans le drame un nouveau personnage destiné à un grand rôle, et qui n’est autre que le lévrier d’Aubri. Voyant son maître assassiné, le chien s’éloigne de ce corps sans vie, court à Paris, attire par ses cris désespérés l’attention de Charlemagne et de ses barons. Grâce à lui, le crime se découvre. Quel est le coupable ? On le cherche, et c’est encore le lévrier qui le découvre et le dénonce. Un duel en champ clos est décidé entre le traître et le chien. Celui-ci est vainqueur : l’innocence triomphe. (Macaire, chanson du xiie s., vers 1-1259.) Quant à la pauvre reine, elle veut chercher près de son père un asile à Constantinople, et arrive en Hongrie. Pendant tout ce long voyage, elle est conduite et protégée par un pauvre bûcheron du nom de Varocher. Enfin elle met au monde celui qui sera un jour l’héritier de Charlemagne, Louis. (Ibid., vers 1260-1414.) Il reste néanmoins, il reste toujours à proclamer son innocence. Tout l’empire d’Orient prend en main la cause de Blanchefleur contre l’empire d’Occident ; Constantinople se jette sur Paris. Une guerre terrible éclate dans la France envahie. (Ibid., vers 1415-3220.) Enfin la paix est faite, et Blanchefleur pardonne à Charlemagne. (Ibid., vers 3221-3548.) ═ Il existe de cette légende deux versions très-distinctes. La première, celle que nous venons de résumer, c’est Macaire ; la seconde (dont il ne nous reste que quelques fragments en vers et une version en prose) est connue sous le nom de la Reine Sibille. Entre ces deux textes, les différences ne sont cependant que peu considérables. La Reine Sibille a été tant bien que mal rattachée au cycle de Guillaume d’Orange, et c’est Aimeri de Narbonne qui lutte contre l’empereur de Constantinople. Malgré la postériorité évidente de cette rédaction, c’est elle qui a le plus longtemps conservé sa popularité en France et à l’étranger.