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Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/381

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course imaginaire des frais ruisseaux et des canaux argentés qu’elle voulait ramener dans cette terre perdue, comme le sang dans des veines taries.

Mais le soleil commençait à faire sentir la brûlure de ses rayons, et l’on se hâta de les fuir.

— Quels formidables remparts ! s’écria Bussy en voyant de plus près les montagnes, qui se dressaient âpres, déchiquetées, inaccessibles, s’étendant comme une muraille ininterrompue.

— Par malheur, dit la reine, de nombreux défilés, faciles à franchir, percent la chaîne sur toute sa longueur.

— Combien il serait aisé de les fortifier ! dit le marquis ; une redoute et deux canons suffiraient, et avec quelques soldats on arrêterait alors toute une armée dans ces gorges étroites. Si tu daignes avoir confiance en mes conseils, je te tracerai un plan de fortifications à édifier et je t’enverrai des pièces de rempart, de la fonderie que j’ai fait construire dans les environs d’Aurengabad, et qui déjà fonctionne.

La reine écoutait Bussy avec une respectueuse attention :

— Heureuse de tes avis, je t’obéirai comme au roi même de ce royaume, dit-elle à demi-voix. D’ailleurs, n’en es-tu pas vraiment le maître ?

— Moi ! le maître ! murmura Bussy dans un vertige de bonheur qui le fit chanceler, et répandit sur son visage cette pâleur subite, dont Lila s’effrayait si fort.

La reine, elle aussi, eut peur et avança vivement la main pour le secourir ; mais il s’empara de cette