Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/168

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montrant le paravent, c’est le château d’Ovari avec ses soldats ; moi, j’étais l’armée du siogoun.

Le prince se mordit les lèvres pour ne pas rire.

— Serais-tu brave, Loo ? dit-il.

— Ah ! oui, dit l’enfant, et si mon sabre coupait je ne craindrais personne.

— Je crois que si ces guerriers, au lieu d’être en soie et en satin, étaient en chair et en os, tu te sauverais à toutes jambes.

— Pas du tout ! s’écria Loo en s’asseyant sur ses talons. Je suis très méchant et je me suis souvent battu ; une fois, j’ai arraché l’oreille à un gardien des quartiers, parce qu’il ne voulait pas me laisser passer, sous prétexte qu’il était trop tard ; pendant qu’il appelait du renfort en se tenant l’oreille, j’ai sauté par dessus la barrière. Un autre jour, je poursuivais une cigogne que j’avais blessée en lui jetant une pierre ; elle entra dans un enclos et moi derrière elle. Mais alors un gros chien arriva pour me dévorer ; je lui serrai le cou et je le mordis si fort qu’il s’enfuit en criant. Pourtant, je lui en veux, à ce chien, parce que la cigogne était partie.

Le prince réfléchissait en écoutant les histoires de Loo ; il se souvenait d’avoir entendu parler de ces aventures ; on les lui avait rapporté en lui conseillant de ne pas garder chez lui ce jeune serviteur.

— Voudrais-tu venir à la guerre avec moi ? dit-il tout à coup.

— Ah ! mon maître, s’écria Loo en joignant les mains, je t’en supplie, emmène-moi ; je suis plus souple qu’un serpent, plus agile qu’un chat, je sais me glisser partout, tu verras que je ne serai pas inutile ; d’ailleurs, la première fois que j’aurai peur, tu me couperas la tête.