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Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/124

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pendant ce bœuf salé a été coupé dans la cuisse d’un des meilleurs élèves du Lancashire, et cette bière, plus noire que la poix, que couronne une écume blonde comme de l’or, est du porter double, le meilleur qui se soit brassé à Dublin avec de l’orge et du houblon, et tel que l’on n’en trouverait pas de meilleur dans la taverne la plus renommée de Londres.

Benedict reconnut implicitement la vérité des paroles de Saunders, en se coupant plusieurs tranches du bœuf ainsi vanté, et en vidant jusqu’à la dernière topaze le contenu de la mesure d’étain.

Son repas frugal était à peine achevé que la trappe s’ouvrit, et que les quatre gaillards dont nous avons déjà décrit l’entrée par le souterrain défilèrent silencieusement du trou.

L’un d’eux échangea avec Saunders quelques paroles dans une langue bizarre, auxquelles Benedict ne put rien comprendre, et où les phrases paraissaient composées d’un seul mot, comme les idiomes que l’on ne possède pas. C’était du gaëlique mêlé, pour plus d’obscurité, d’un certain nombre de mots d’argot.

Deux des nouveaux venus s’approchèrent de la trappe, et Saunders s’approchant de sir Benedict Arundell, lui dit :

— Si votre grâce avait la complaisance de nous suivre, je crois que l’heure de partir est arrivée.

— De partir ! s’écria Arundell en se reculant par un mouvement instinctif à quelques pas de la trappe.

— J’espère, dit Saunders avec une insistance polie, que mylord comprendra qu’il vaut mieux