Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/59

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que qui rend difficile d’y boire quand on n’en a pas l’habitude. C’est dans ces boutiques que se vendent les fourneaux pour le kouskoussou, qui se cuit à la vapeur ; les vases de terre sans fond et à large goulot dont on fait les tarboukas (tambourins) en y tendant une peau d’âne, de sorte que le potier est en même temps luthier, et vend de la vaisselle et des instruments de musique par un cumul ingénieux dont les civilisés ne s’aviseraient pas.

Tout en courant les rues, nous avions remarqué à plusieurs reprises des boutiques parfaitement vides de marchandises, au milieu desquelles se tenait assis sur une natte un personnage d’apparence grave, faisant rouler sous ses doigts les grains du chapelet oriental, ou écrivant avec un roseau sur de petits carrés de papier. Comme nous ne pouvions soupçonner à quel commerce se livraient ces gaillards sourcilleux et pensifs, on nous dit que c’étaient des thalebs (des savants). — Ces hommes de lettres en boutique tracent des amulettes et des phylactères, rédigent des placets et rendent à peu près les mêmes services que les écrivains publics chez nous. La plupart sont habiles calligraphes et copient, en lettres ornées, des sourates du Coran avec une légèreté de main, une précision et un goût