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Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/122

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curieux de nous trouver face à face avec le monstre.

N’attendez pas de nous de furibondes tirades morales contre la roulette et le trente-et-quarante. Nous croyons que le jeu est une passion humaine qu’on ne supprimera pas plus que les autres — quoique nous ayons le bonheur d’en être absolument dénué ; — nous ne prêchons donc point pour notre vice. Mais nous comprenons chez certaines natures ce besoin de lutter avec l’inconnu, ce désir de dompter le hasard, cette fantaisie de provoquer la fortune en champ clos. La compagnie est nombreuse autour du tapis vert, portant d’un côté une losange rouge et de l’autre une simple losange de lacet ; des compartiments bizarres divisent le drap ; au deçà, au delà des raies, des billets de banque, des pièces d’or, et même des florins, enjeux ou réserve des champions ; au milieu de la table, le croupier étalant les cartes les unes auprès des autres sur deux lignes avec une prestesse étonnante ; en face de lui, le banquier ramassant le gain avec un râteau, et lançant billets, louis, pièces de cinq francs ou thalers aux joueurs heureux, sans jamais se tromper.

L’expression générale nous a paru une impassibilité morne, naturelle ou voulue. D’abord, sans doute, c’est un masque ; mais ce masque finit par adhérer à la