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Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/195

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mot fait lever des essaims d’idées, où la vérité s’aiguise en paradoxe, où l’on touche à tout sans en avoir l’air, où la plaisanterie a des profondeurs inconnues et qui font le désespoir des étrangers qui les écoutent, s’imaginant savoir le français.

Chacun nous développa sa manière de voir Florence, les uns disant que quelques jours suffisaient, les autres prétendant, au contraire, qu’il fallait plus d’un an pour se douter seulement des richesses que renfermait cette ville, berceau de l’art toscan. À cela nous répondîmes que notre temps était limité, qu’il nous fallait visiter Rome et Naples avant que la saison fût tout à fait mauvaise, et que nous n’avions pas le dessein de faire un ouvrage d’érudition, mais de prendre, avec notre style, quelques vues au daguerréotype des objets qui frapperaient le plus notre attention, sites, monuments, œuvres d’art, costumes et singularités, et que notre talent n’allait pas au delà ; car, dans cette causerie d’une heure, on nous avait indiqué des plans dont l’accomplissement eût exigé notre vie entière.

Nous rentrâmes à l’hôtel de New-York, et, dès qu’il fit jour, nous mîmes le nez à la fenêtre pour étudier un peu la perspective qui se déroulait devant nos yeux.

Le fleuve Arno coulait entre deux quais de pierre,