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Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/225

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attaches du col, cette heureuse sérénité de la forme, cette parfaite santé du beau, qui vous frappent dans les rues de Milan, où, comme le dit si bien Balzac, les filles de portière ont l’air de filles de reine. On ne comprendrait pas à Florence cette superbe épitaphe païenne de nous ne savons plus quel comte dont la tombe portait pour toute inscription : Fis bello a Milanese ; la grâce voluptueuse, et la gaieté spirituelle de Venise sont absentes d’ici.

Les figures n’ont pas à Florence le caractère antique qui subsiste encore dans le reste de l’Italie après tant de siècles écoulés, d’invasions successives, un changement si radical de mœurs et de religion : elles sont visiblement plus modernes ; s’il n’est pas permis de se méprendre, sur le boulevard de Gand, à un Napolitain ou à un Romain de pure race, un Florentin peut passer inaperçu parmi des Parisiens ; ce violent cachet méridional qui fait reconnaître les autres Italiens ne le trahira pas. Il y a plus de caprice, plus d’inattendu dans les traits des hommes et des femmes de Florence ; la pensée, les préoccupations morales laissent sur leur face des sillons appréciables, et en bouleversent les méplats avec une irrégularité à laquelle gagne l’expression.