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Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/248

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même train un grand nombre d’invités. Les autres, désirant, comme je l’ai dit déjà, mettre à profit la gracieuse facilité offerte par la Compagnie de visiter un bout d’Espagne, attendirent le départ du convoi, qui se dirigea vers Madrid à travers ces Pyrénées difficiles même aux voitures, et jusqu’ici réputées infranchissables pour les locomotives. Ils attendirent un peu longtemps, maugréant avec l’impatience française ; mais enfin le sifflet à vapeur poussa son cri aigu, et une brusque secousse, répétée de wagon en wagon, fit sentir la puissante traction des machines. On était parti.

Nous n’avons pas besoin de dire que nous faisions partie de ce train. Outre sa patrie naturelle, chaque homme a une patrie d’adoption, un pays rêvé où, même avant de l’avoir vu, sa fantaisie se promène de préférence, où il bâtit des châteaux imaginaires qu’il peuple de figures à sa guise. Nous, c’est en Espagne que nous avons toujours élevé ces châteaux fantastiques, pareils à des desseins de Victor Hugo. Plusieurs voyages réels n’ont pas fait évanouir les mirages de notre imagination, et nous sommes prêt à marcher en avant lorsqu’on prononce ce mot magique : Espagne !

Faut-il l’avouer, au risque de nous faire comparer à l’homme fossile trouvé dans le guano, et de nous attirer