Aller au contenu

Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/252

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la lune qui en blanchissaient la façade antique, où se découpait l’ombre d’un toit à forte projection. Un torrent descendant de la montagne en baignait l’angle. On y pénétrait par ce large vestibule écurie des vieilles maisons espagnoles, autrefois toujours encombré de mules, d’ânes et de chevaux, et que l’extension des chemins de fer va bientôt rendre inutile. L’escalier franchi, nous fûmes introduits dans une immense salle dont un architecte moderne ferait un appartement complet, et que l’ingéniosité des maîtres du logis avait divisée en trois zones idéales, l’une servant de salle à manger, l’autre de salon, et la troisième de cabinet d’étude.

Après les ablutions indispensables pour nous débarrasser de la poussière internationale tamisée sur nos mains et notre visage, on se mit à table. Malgré le banquet de Saint-Sébastien, l’appétit ne manquait à personne. La première faim apaisée, la conversation s’engagea, instructive et charmante. Nous dîmes ce que nous savions de Paris. Pressés de questions, les ingénieurs, avec une simplicité et une modestie du meilleur goût, parlèrent de ce gigantesque travail, digne des Titans, qu’ils venaient d’achever et qu’ils avaient livré la veille, disaient-ils, comme s’il s’agissait d’une marchandise ordinaire. Dix-huit mois avaient suffi pour