Aller au contenu

Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/267

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Vitoria, un picador s’étant luxé l’épine dorsale dans une chute violente. C’était pour cela que les toreros avaient des ceintures noires, portant de cette manière le deuil de leur camarade, dont l’enterrement s’était fait le matin. Ils n’en étaient pas moins braves et hardis.

Nous connaissons presque toutes les célèbres épées d’Espagne, depuis Montès le jamais assez loué, dont aucun torero n’a dépassé encore l’adresse, le courage et la popularité. Nous avons vu Cucharès, el Chiclanero, José Parra, les frères Labi, Cayelano Sanz, el Talo ; mais el Gordito nous était inconnu.

C’est un beau jeune homme de physionomie agréable, souriante et douce, qu’un commencement d’embonpoint qui ne nuit en rien à sa grâce et à sa légèreté a fait surnommer ainsi (gordito signifie grassouillet). Il portait, ce jour-là, un magnifique costume violet agrémenté d’argent et qui lui seyait à merveille.

Comme Montès, el Gordito excelle dans l’art de manœuvrer le taureau avec la cape. C’était même sa spécialité, il n’y a pas longtemps encore, et il l’a poussée aussi loin que possible. Il a un sang-froid admirable en face de la bête, et son courage va jusqu’à l’insolence ; il s’assoit sur une chaise vis-à-vis du taureau