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Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/306

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force nous fut de prendre un guide pour aller visiter la cathédrale, San-Juan-de-los-Reyes, Santa-Maria-la-Blanca, el Taller-del-Moro, l’Alcazar et autres curiosités. Tolède est bâtie sur le plan du labyrinthe de Crète, et il faut y être né pour retrouver son chemin dans le bloc de ses maisons. Les rues ressemblent aux tubes capillaires des madrépores ou aux couloirs sinueux que pratiquent les tarets sous l’écorce du vieux bois. Nul dessin, nul tracé : les unes montent, les autres descendent, ou plutôt se précipitent comme si elles ne pouvaient se retenir aux parois de la roche, avec des coudes si soudains, des angles si imprévus, qu’on est bientôt désorienté ; elles vont, elles viennent, se croisent, s’enlacent, forment des nœuds, des dédales, des impasses, des cœcums inextricables. Un écheveau dévidé par les griffes d’un chat n’est pas plus embrouillé. Le fil d’Ariane ne suffirait pas à sortir de cette étrange complication de ruelles, de carrefours et de culs-de-sac, où l’on semble avoir évité la ligne droite et la symétrie avec le soin qu’on met ailleurs à les chercher. Les maisons empiètent sur la voie publique, où souvent ne passeraient pas de front deux ânes chargés, et y projettent les saillies de leur aménagement intérieur. On sent là le système moresque qui agrandit la demeure aux dépens