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Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/31

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ondulés, zébrés de cultures, des bouquets d’arbres, des files de peupliers, des collines à courbes molles, des cours d’eau blanchissant sous la roue d’un moulin, une petite rivière qu’enjambe un pont, des villages signalés par leur clocher, des maisons dont on aperçoit les jardins et les cours comme dans une vue cavalière : un ensemble de choses gracieuses, fraîches et jolies, sans grand caractère. Mais, à partir de Carentan, l’aspect du pays change ; la perspective s’agrandit et devient singulière : on entre dans le marais.

On se croirait en Hollande, à voir cette plaine vaste comme une mer, unie et verte comme un tapis de billard, que ne soulève aucun pli de terrain et qui garde inflexiblement son horizontalité ; le ciel immense pose sans intermédiaire sur l’étendue immense. Contrairement à l’idée commune, rien n’est plus pittoresque.

Des coupures, des rigoles remplies d’une eau teinte par la tourbe, et brune comme du café sillonnent çà et là la prairie tachetée d’innombrables bestiaux qui se lèvent et fuient, effrayés du grondement des trains ; quelques arbres, quelques cahutes, des ponceaux et des bondes de poutres et de planches font seuls saillie sur le plan uniforme que domine le remblai du chemin de fer.