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Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/351

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À nos pieds s’ouvrait le gouffre énorme comme une gueule de monstre apocalyptique.

De larges traînées d’ombre estompaient les premiers plans, et noyaient ce qu’ils auraient eu de misérable et de mesquin ; une espèce de pénombre rougeâtre indiquait le cours de la rivière et la grande allée des Champs-Élysées.

À gauche, le Panthéon flamboyait sur sa montagne comme la tiare de feu d’un pape invisible ; un double cordon de points lumineux, scintillant à une grande hauteur, trahissait la vieille Notre-Dame, dont la sombre chape de granit se confondait avec la robe noire de la nuit sans étoiles.

En face, le glorieux stylite de bronze se détachait fermement sur la fauve auréole de ses lampions, et plus loin, à droite, l’attique de l’arc de l’Étoile, dessinée avec des lignes de feu, se faisait remarquer à la blancheur intermittente de son éclairage au gaz tourmenté par le vent.

L’étoile de la Légion d’honneur, cet astre allumé par Napoléon, rayonnait vivement au-dessus de son palais, et de toutes parts papillotaient des points brillants piqués comme des paillettes sur le velours de l’obscurité.