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Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/58

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nous attendent ou plutôt ne nous attendent pas à Cherbourg. Hâtons-nous donc d’y revenir.

Déjà toute la population étrangère et locale était en marche pour assister à l’immersion du nouveau bassin Napoléon, un travail d’une grandeur égyptienne, égalant, sinon surpassant le creusement du lac Mœris, accompli en cinq ans avec ces gigantesques moyens de l’industrie moderne auxquels aucun granit ne résiste. Jadis, il eût fallu des peuples entiers d’esclaves ou de captifs, piochant pendant des siècles sous le fouet du commandeur, pour arriver à un semblable résultat. L’homme n’est vraiment maître de sa planète que depuis le commencement de ce siècle : avec de l’or, du fer, de la vapeur et de la poudre, il la pétrit à son gré et lui donne la forme qu’il veut ; il rase les collines, perce les montagnes, comble les vallées, coupe les isthmes, et, s’il a besoin d’un océan, il le creusé au milieu d’une ville. Et le flot marin, ancienne terreur, qui demandait pour être affronté une poitrine ceinte d’un airain triple, frappe respectueusement à la porte, demandant à l’ingénieur s’il est l’heure d’entrer et de remplir sa fonction.

L’aspect de ce bassin vide encore, que les cataractes de l’abîme allaient remplir en crevant les batardeaux