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Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/74

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plus nettement et prenait un caractère prodigieux et formidable. De la ceinture de remparts et de tours qui cercle la base du mont s’élèvent de hautes murailles, le pied engagé dans le roc vif, qu’elles semblent continuer. Ces murailles dominent les toits des habitations resserrées entre les fortifications et l’abbaye proprement dite, dont les fondements sont au niveau des cheminées. Il fallait le génie singulier du moyen âge et le besoin de se défendre contre les invasions pour s’aviser de couvrir de bâtisses un pain de sucre presque inaccessible ; mais cette plantation abrupte, si elle n’est pas commode pour la vie ordinaire, multiplie les effets pittoresques par les brusques changements de niveau, et, en étageant les édifices les uns au-dessus des autres, vous les fait saisir d’un coup d’œil, comme s’ils étaient peints sur une toile dressée. Les silhouettes se découpent avec toute sorte d’échancrures inattendues et une variété d’angles que ne sauraient donner des monuments d’une assiette unie. — Au-dessus des bâtiments de l’abbaye devenue prison, et composés d’un assemblage de murs, de tourelles, de contre-forts, d’arcatures, de pincettes, de toits en poivrière remontant à diverses époques, jaillit l’église étroite et haute avec ses aiguilles, ses arcs-boutants, ses pinacles, ses longues fe-