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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/104

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Spirite, vous voir ce soir ou dans mille ans serait la même chose ; mais les esprits qui daignent entrer en communication avec nous autres, pauvres mortels, tiennent compte de la brièveté de notre vie, de l’imperfection et de la fragilité de nos organes ; ils savent qu’entre une apparition et l’autre, mesurée au cadran éternel, la périssable enveloppe de l’homme aurait le temps cent fois de tomber en poussière, et il est probable que Spirite ne vous fera pas languir. Elle est descendue dans notre sphère et paraît décidée à ne remonter dans la sienne que son projet accompli.

— Mais quel est ce dessein ? dit Malivert. Vous à qui rien n’est fermé dans ce monde surnaturel, vous devez connaître le motif qui entraîne ce pur esprit vers un être soumis encore aux conditions de la vie.

— Là-dessus, mon cher Guy, répondit le baron de Féroë, mes lèvres sont scellées ; il ne faut pas répéter le secret des esprits. J’ai été averti de vous mettre en garde contre toute séduction terrestre et de vous empêcher de former des liens qui enchaîneraient peut-être votre âme dans un lieu où elle aurait un éternel regret de n’être plus libre. Ma mission ne va pas au delà. »

En causant ainsi, Malivert et le baron, suivis de leurs voitures qui marchaient au pas sur la chaussée, arrivèrent à la Madeleine, dont la colonnade grecque, argentée par les pâles rayons