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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/139

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immémoriale et que cela avait toujours été ainsi. Le salon de danse était d’une dimension qu’on ne trouve guère que dans les palais. De nombreuses girandoles et des torchères, placées dans les trumeaux des fenêtres, y causaient avec leurs milliers de bougies une sorte d’embrasement lumineux à travers lequel les peintures azurées du plafond, où s’enlaçaient des guirlandes de nymphes et d’amours, apparaissaient comme à travers une vapeur rose. Malgré cette multitude de feux, la pièce était si vaste que l’air n’y manquait pas et qu’on respirait à l’aise. L’orchestre était placé dans une sorte de tribune, au fond du salon, au centre d’un massif de plantes rares. Sur des banquettes de velours disposées en amphithéâtre s’étageaient des lignes de femmes éblouissantes de parures, sinon de beauté, quoiqu’il y en eût de très jolies. Le coup d’œil était magnifique. Nous étions entrées précisément dans l’intervalle d’une danse à l’autre. Assise près de ma mère, sur un bout de banquette qui s’était trouvé libre, je regardais ce spectacle nouveau pour moi avec un étonnement curieux. Les hommes, après avoir reconduit leurs danseuses, se promenaient dans le milieu du salon, lorgnant à droite et à gauche, et passaient une sorte de revue des femmes pour faire leur choix. C’était la partie jeune du bal, les hommes un peu arrivés ne se permettant plus de danser. Il y avait là de jeunes attachés d’am-