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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/141

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une figure régulière, d’une pâleur romantique, avec de grands yeux noirs un peu sauvages et des moustaches effilées comme des aiguilles. Un Anglais de vingt-deux ou vingt-trois ans, qui ressemblait à lord Byron, sauf qu’il n’était pas boiteux, un attaché d’une des cours du Nord, et quelques autres, vinrent s’inscrire sur mon carnet. Bien que le vieux maître de danse du couvent me vantât comme une de ses meilleures élèves et qu’il louât ma grâce, ma souplesse et mon sentiment de la mesure, je n’étais pas, il faut l’avouer, tout à fait à mon aise. J’éprouvais, comme disent les journaux, l’émotion inséparable d’un début. Il me semblait, ainsi que se l’imaginent les gens timides, que tous les yeux étaient fixés sur moi. Heureusement mon Hongrois était un excellent danseur ; il soutint mes premiers pas, et bientôt, soulevée par la musique, enivrée de mouvement, je me rassurai et me laissai entraîner dans ce tourbillon de jupes flottantes avec une sorte de plaisir nerveux ; mais cependant je n’oubliais pas ma pensée habituelle et le but qui m’avait fait venir au bal. En passant près des portes, d’un regard rapide je cherchais à vous découvrir dans les salons voisins. Je vous aperçus enfin dans une embrasure, causant avec un personnage à face brune, à long nez, à large barbe noire, coiffé d’un fez rouge, vêtu de l’uniforme de Nizam, portant la plaque de Medjidieh, quelque bey ou