Aller au contenu

Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/158

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mme d’Ymbercourt, dont on vous prétendait fort amoureux. Mon cœur s’alarma et je désirai voir ma rivale. On me la montra dans sa loge aux Italiens. Je tâchai de la juger impartialement et je la trouvai belle, mais sans charme et sans finesse, comme la copie d’une statue classique faite par un sculpteur médiocre. Elle réunissait tout ce qui forme l’idéal des sots et je m’étonnai que vous eussiez le moindre goût pour cette idole. Il manquait à la figure de Mme d’Ymbercourt, si régulière d’abord, le trait particulier, la grâce originale, le charme inopiné. Telle elle paraissait ce soir-là, telle elle devait toujours être. Malgré ce qu’on disait, j’eus l’amour-propre de n’être pas jalouse de cette femme. Cependant les bruits répandus sur votre mariage prenaient de la consistance. Comme les mauvaises nouvelles parviennent toujours à ceux qu’elles intéressent, j’étais informée de tout ce qui se passait entre vous et Mme d’Ymbercourt. L’un disait que les premiers bans étaient publiés ; l’autre allait jusqu’à fixer le jour précis de la cérémonie. Je n’avais pas le moyen de vérifier l’exactitude ou la fausseté de ces bruits. Cela paraissant à tout le monde une affaire arrangée et très convenable sous tous les rapports, il me fallut bien y croire. Pourtant la voix secrète de mon cœur m’affirmait que vous n’aimiez pas Mme d’Ymbercourt. Mais souvent des mariages se font sans amour pour avoir une maison,