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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/171

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distrait par un attachement humain et d’encourir les vengeances célestes, car Dieu est jaloux et ne peut souffrir de partage ; peut-être aussi la jalousie que m’inspirait Mme d’Ymbercourt, toutes ces causes agissaient sur mon organisation d’une façon désastreuse. Mon teint avait pris le ton mat de la cire de cierge ; mes yeux agrandis par la maigreur brillaient fiévreusement dans leur orbite meurtrie ; les veines de mes tempes se dessinaient en réseaux d’un azur plus foncé, et mes lèvres avaient perdu leurs fraîches couleurs roses. Les violettes de la mort prochaine commençaient à y fleurir. Mes mains étaient devenues fluettes, transparentes et pâles comme des mains d’ombre. La mort n’est pas considérée au couvent comme dans le monde ; on la voit arriver avec joie : c’est la délivrance de l’âme, la porte ouverte du ciel, la fin des épreuves et le commencement de la béatitude. Dieu retire à lui plutôt que les autres ses préférées, celles qu’il aime, et il abrège leur passage dans cette vallée de misères et de larmes. Des prières pleines d’espérance dans leur psalmodie funèbre entourent le grabat de la moribonde que les sacrements purifient de toute souillure terrestre et sur qui rayonne déjà la lueur de l’autre vie. Elle est pour ses sœurs un objet d’envie et non d’épouvante.

Je voyais s’approcher le terme fatal sans frayeur ; j’espérais que Dieu me pardonnerait un