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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/175

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argile soumise aux lois de la pesanteur, qui m’alourdissait naguère encore, je m’élançais avec une alacrité folle dans l’insondable éther. Les distances n’existaient plus pour moi, et mon simple désir me rendait présente où je voulais être. Je traçais de grands cercles d’un vol plus rapide que la lumière à travers l’azur vague des espaces, comme pour prendre possession de l’immensité, me croisant avec des essaims d’âmes et d’esprits.

Une lumière fourmillante, brillant comme une poussière diamantée, formait l’atmosphère ; chaque grain de cette poussière étincelante, comme je m’en aperçus bientôt, était une âme. Il s’y dessinait des courants, des remous, des ondulations, des moires comme dans cette poudre impalpable qu’on étend sur les tables d’harmonie pour étudier les vibrations sonores, et tous ces mouvements causaient dans la splendeur des recrudescences d’éclat. Les nombres que les mathématiques peuvent fournir au calcul se plongeant dans les profondeurs de l’infini ne sauraient, avec leurs millions de zéros ajoutant leur énorme puissance au chiffre initial, donner une idée même approximative de l’effrayante multitude d’âmes qui composent cette lumière différente de la lumière matérielle autant que le jour diffère de la nuit.

Aux âmes ayant déjà passé par les épreuves de la vie, depuis la création de notre monde et celle des autres univers, se joignaient les âmes en