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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/187

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le bras par-dessus la clôture, et fit tomber sa gerbe de lilas sur l’inscription, et, quoique sûr du pardon, resta quelques minutes près de la tombe dans une rêveuse contemplation, et le cœur gros de remords : n’était-il pas le meurtrier de cette pure colombe si vite retournée au ciel ?

Pendant qu’il était ainsi accoudé à la grille du monument, laissant couler ses larmes qui tombaient tièdes sur la froide neige, second linceul de la tombe virginale, dans l’épais rideau des nuages grisâtres une éclaircie s’était formée. Comme une lumière à travers des gazes superposées dont on diminue le nombre, le disque du soleil apparaissait moins indistinct, d’un blanc pâle et plus semblable à la lune qu’à l’astre du jour, un vrai soleil fait pour les morts ! Peu à peu la trouée se fit, et de l’ouverture s’échappa un long rayon visible sur le fond sombre de la brume, qui vint éclairer et faire scintiller sous le mica de la neige, comme sous une rosée d’hiver, la gerbe de lilas blanc et la couronne de roses en marbre.

Dans le tremblement lumineux du rayon où jouaient quelques atomes gelés, Malivert crut distinguer une forme svelte et blanche qui s’élevait de la tombe comme une légère fumée d’une cassolette d’argent, enveloppée des plis flottants d’un suaire de gaze, semblable à la robe dont les peintres revêtent les anges, et qui lui faisait de la main un signe amical.