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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/207

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tournent de plus ou moins loin autour d’une jolie femme, attendant une occasion, rupture ou dépit, qui ne se présente jamais.

Il était plein de petites attentions : il tendait la lorgnette ou le programme, souriait aux moindres mots, se penchait mystérieusement pour répondre, et quand Mme d’Ymbercourt joignait le bout de ses gants blancs pour approuver quelque point d’orgue de la diva, il applaudissait à tout rompre, levant les mains à la hauteur de sa tête ; bref, il prenait publiquement possession de son emploi de cavalier servant.

Déjà l’on disait dans quelques loges : « Est-ce que le mariage de Malivert et de Mme d’Ymbercourt ne se fera pas ? » Il y eut un mouvement de curiosité lorsque Guy, après le premier acte, parut à l’entrée de l’orchestre et qu’on le vit, en inspectant la salle, regarder distraitement la loge de la comtesse. D’Aversac lui-même, qui l’avait aperçu, éprouva un léger sentiment de malaise ; mais les lorgnettes les plus perspicaces ne purent saisir le moindre signe de contrariété sur le visage de Malivert. Il ne rougit ni ne pâlit ; ses sourcils ne se contractèrent pas ; aucun muscle de sa face ne bougea ; on ne lui vit pas cette mine terrible et farouche des amants jaloux à l’aspect de leur belle courtisée par un autre ; il avait l’air calme, d’une sérénité parfaite ; l’expression de sa physionomie était celle que donne le rayonnement d’une