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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/210

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la folie, et Laridon succède à César, surtout lorsque César ne veut plus de son empire ; mais quelle peut être la nouvelle maîtresse de Guy ? » Telles étaient les réflexions que faisait ce vétéran de Cythère, aussi fort sur la théorie qu’il l’avait été sur la pratique, et il suivait le regard de Malivert pour voir s’il ne s’attachait pas à quelqu’une des belles personnes qui brillaient dans les loges comme des bijoux dans leur écrin. « Serait-ce cette blonde vaporeuse à la guirlande de feuilles d’argent, à la robe vert d’eau, à la parure d’opale, qui semble s’être fardée avec un rayon de lune, comme une elfe ou une nixe, et qui contemple le lustre d’un air sentimental comme si c’était l’astre des nuits ? ou bien encore cette brune aux cheveux plus sombres que la nuit, au profil coupé dans le marbre, aux yeux de diamant noir, à la bouche de pourpre, si vivace sous sa chaude pâleur, si passionnée sous son calme de statue, et qu’on prendrait pour une fille de la Vénus de Milo si ce chef-d’œuvre divin daignait avoir des enfants ? Non, ce n’est pas cela, — ni la lune, ni le soleil. Cette princesse russe, là-bas, à l’avant-scène, avec son luxe fou, sa beauté exotique et sa grâce extravagante, pourrait avoir des chances. Guy aime assez la bizarrerie, et, à cause de ses voyages, il a des goûts un peu barbares. Non, ce n’est pas celle-là. Il vient de la regarder d’un œil aussi froid que s’il examinait un coffret de